top of page
Toucan Bateau dans les nuages.png

Pour les plus grands, une roman-feuilleton à découvrir tous les vendredis sur le site. En ce moment, l'île aux chats, un récit sur fond d'Égypte ancienne mettant en scène la déesse Bastet, le pharaon Khéops et un mystère dissimulé au coeur de la grande pyramide.

Rechercher

Tout a commencé au moment de la découverte du tombeau du pharaon Toutânkhamon, il y a de cela quelques lunes. Une image commençait à se former dans la fumée. On y voyait Howard Carter pousser les portes de la tombe fabuleuse. L’instant d’après, Arnaud se trouvait à côté de lui. Il écarquilla les yeux et tendit le bras. Carter le repoussa doucement. Il comptait bien entrer en premier. Cela semblait si réel. Toutânkhamon, dit Bas à Arnaud, comme tu le sais est mort jeune, très jeune. Il avait pénétré trop tôt les secrets de Bastet et son désir d’atteindre l’immortalité était devenu plus fort que celui de vivre sa vie sur la terre. Pourtant, il ressentit le pillage de sa sépulture comme une blessure au plus profond de son être. Il avait laissé son corps avec la certitude qu’il continuerait à vivre lui aussi, mais dans un sommeil éternel. Arnaud ne comprenait rien. Bas parlait de Toutânkhamon comme s’il le connaissait personnellement. Or, le pharaon était mort il y a des siècles et Howard Carter avait ouvert le tombeau en 1922. Il ne pouvait pas être là, à ses côtés. Sa tête lui tournait et sa blessure lui faisait mal ; et il conversait avec des chats, comme si c’était la chose la plus naturelle du monde. Je me réveiller, murmura-t-il. C’est un rêve. Arnaud, dit le chat aux yeux d’émeraude en penchant sa tête sur le côté, nous sommes au royaume de Bastet. Toutes les « personnes » qui sont ici sont immortelles. Je pensais que tu l’avais compris. Cette apparence de félin est le prix de notre existence sans fin. Ça et l’interdiction de quitter le royaume, sous peine de perdre notre immortalité. Pourtant, nous nous sommes rencontrés au Caire. Tu étais le chat de notre hôtesse, rétorqua Arnaud. C’est parce que je suis un chat messager, sourit Bas, protégé de Thot. Je sais que cela fait beaucoup à assimiler en peu de temps, reprit plus sérieusement le félin devant l’air incrédule d’Arnaud, mais les évènements se précipitent. Sache simplement que le temps sur l’île ne s’écoule pas comme le temps sur terre. Il peut s’écouler un jour comme un an ou même cent ans sans que le soleil se soit couché sur la mer ici. Voilà pourquoi la reine parle de quelques lunes pour faire référence à la découverte de Carter. Une minute, qu’est-ce que ça veut dire ? S’écria Arnaud. La reine intervint. Il n’est pas de finitude dans ce royaume. La ligne du temps peut être empruntée comme on le souhaite et à l’infini. Le passé, le présent et le futur n’existent pas. « Prenez garde car hors du rêve, jamais le temps ne s’arrête », réalisa Arnaud, horrifié. Voyant qu’Arnaud se taisait, Bas précisa : cela signifie que tu peux revenir au moment où tu as emprunté le passage qui vous a conduit jusqu’ici avec Olivia. Oui, mais sous quelle forme ? Souffla Arnaud en fixant le beau chat angora qui hocha doucement la tête. C’est le prix de la vie éternelle. Olivia et lui avaient disparu du monde réel, comme tous les autres, et jamais ils ne pourraient rentrer chez eux. Qu’avaient-ils fait ? C’était vertigineux. Impossible. Pendait ce temps, Bas continuait son histoire. Comme je te le disais, certains d’entre nous sont autorisés à sortir du royaume pour transmettre des messages des dieux ou guider certains élus jusqu’à l’île. C’est mon cas. Mais ce n’était pas le cas de Toutânkhamon. Comme tous les pharaons, il était déjà messager de l’au-delà. Son enveloppe corporelle faisait le lien entre le royaume des vivants et celui d’Anubis. Il demanda à Pentaour de relayer un avertissement à Carter et à l’équipe en charge des fouilles. Pentaour avait été un poète célèbre sous le règne de Ramsès II et un prêtre d’Amon. C’était un messager puissant et très attaché à la personne de Pharaon. Il accepta et à son arrivée sur terre, convoqua l’Uræus. Une scène qui avait été maintes fois relayée par la presse de l’époque se dessina sous les yeux d’Arnaud. Le cobra qui ondule silencieusement jusqu’au campement des archéologues, qui s’introduit dans la tente de l’égyptologue, se dresse tel un ange vengeur en face de Carter et dévore son canari, un oiseau merveilleux qui l’accompagnait partout. Comme tu le sais, cela n’arrêta pas Carter. Le 26 novembre 1922, il pénétra dans la sépulture. Toutânkhamon entra dans une rage terrible. Il sentait toutes les manipulations que les malheureux chercheurs faisaient subir à son corps resté sur terre et voyait à travers les yeux d’or de son masque funéraire la dilapidation des fabuleux trésors qui avaient accompagné son voyage dans l’autre-monde : les coffres incrustés de pierrerie, les vases ajourés, les chars étincelants et les fauteuils tressés d’or dispersés aux quatre vents. Le pharaon en appela à la fureur de Ré, l’alter-ego guerrier de notre déesse protectrice, la terrible Sekhmet. Il quitta l’île et laissa éclater son courroux. La suite tu la connais. Arnaud hocha la tête. Il connaissait la triste fin de Lord Carnavon, première victime de la malédiction de Toutânkhamon, et toutes celles qui suivirent. Ce que tu ne sais pas, c’est que Toutânkhamon fut arrêté et jugé pour ses actes. On ne défie pas impunément les lois divines, même quand on est un dieu.


A suivre...

Olivia ouvrit les yeux et crut qu’elle était devenue aveugle. Sa première réaction fut de se lever et elle se cogna violemment la tête contre un mur dur comme de la pierre. En même temps qu’elle appuyait sa paume droite sur son front pour calmer la douleur sourde qui lui vrillait le crâne, elle tendit la main droite devant elle et rencontra une surface froide et granuleuse. Elle essayer de se retourner sur le ventre pour répéter l’opération, mais ses épaules bloquaient contre le mur. Sa respiration se fit plus forte alors qu’elle étendait ses bras au dessus de sa tête. Elle sentit une forte résistance au bout de ses doigts. Alors elle paniqua. Elle n’était pas aveugle. Elle était dans un cercueil. Arnaud ? Cria-t-elle de toutes ses forces, des larmes se bousculant dans ses yeux. Arnaud, tu m’entends ? Un silence assourdissant lui répondit. Elle commençait déjà à manquer d’air. Elle poussa de toutes ses forces, tapa la pierre à s’en faire saigner les poings, mais le couvercle ne bougea pas d’un millimètre. Elle ferma les yeux. C’est un cauchemar. Ce n’est pas possible, je vais me réveiller. Il faut que je me réveille…. Arnaud, hurla-t-elle à nouveau en tambourinant contre cette barrière invisible et infranchissable. Elle porta soudain les mains à son visage. Un bruit infernal résonnait à l’intérieur de sa prison, comme si on avait sonné un coup de gong juste à côté de son oreille. Le bruit s’évanouissait puis revenait, encore plus puissant, comme une vague qui s’écrase sur un bateau perdu au milieu d’une tempête. Elle sentit ensuite qu’on la déplaçait. Elle se retrouva brutalement la tête en bas, assez longtemps pour que le sang lui monte au visage et qu’elle se sente défaillir, puis elle atterrit violemment sur le ventre et eut un haut-le-coeur. Sa nausée menaça de la submerger alors qu’elle se sentait ballottée de droite à gauche, debout, en diagonale, sur le côté et à nouveau sur le dos. Elle percevait confusément qu’il s’agissait d’une sorte de jeu et avait l’impression d’être une marionnette dont on a coupé les fils. Quand elle fut sûre de ne plus pouvoir supporter ce traitement une seconde de plus, tout s’arrêta. Le couvercle s’ouvrit si brusquement qu’Olivia resta un moment éblouie par la lumière. Un visage terrifiant avec des yeux de feu l’observait en contre-plongée et elle se protégea le visage avec ses bras. Le visage éclata de rire et une force invisible la releva de sa prison. Bienvenue au royaume de Sekhmet, lui dit l’étrange personnage d’une voix où perçait une forte ironie doublée d’une mise en garde, bienvenue chez les lions du désert.


A suivre...

Résumé de l'épisode précèdent : Olivia et Arnaud ont trouvé la voie d'accès vers l'île aux chats ou le royaume de la vie éternelle promis par la déesse Bastet à un petit nombre d'élus. Mais alors qu'ils s'apprêtent à en savoir plus sur la raison de leur présence sur l'île, les deux égyptologues tombent dans un piège.


Le félin se précipita dans le tunnel et revint quelques secondes plus tard. Arnaud, que s’est-il passé ? Répéta le chat angora en fixant la blessure du jeune homme d’un air qui indiquait qu’il connaissait déjà la réponse à sa question. D’une voix blanche, Arnaud lui raconta l’extinction des lumières, le cri d’Olivia, le silence assourdissant suivi de ce bruit de tambour infernal, la douleur qu’il avait éprouvée sur le bras droit et enfin les parois qui avaient menacé de le broyer. Bas, où est Olivia ? Où est ma femme ? Conclut nerveusement Arnaud. Bas se retourna brièvement vers le passage et posa ensuite sa patte sur le bras mutilé du jeune archéologue. Les lions de Sekhmet… dit le chat aux yeux d’émeraude en désignant la plaie ouverte qui formait un motif reconnaissable : une tête de lion couronnée d’un disque solaire. Un message avait été gravé en lettres de sang sous le symbole. Arnaud ne parvenait pas à le déchiffrer mais il paraissait très clair pour Bas. C’est impossible, cela ne se peut. Bas, appela soudain une voix impérieuse, viens vite ! Ourkhya ? Que… Un chat tigré aux allures militaires venait de les rejoindre et son expression était éloquente. Arnaud, suis-moi, commanda le chat angora, Je vais tout t’expliquer, dit-il en répondant à la question muette du jeune homme, mais je dois d’abord m’occuper de ça. Excuse-moi. Comme dans un rêve, Arnaud se laissa guider jusqu’à une pièce qui, tant par les dimensions que le mobilier, tenait plus de la salle du trône que de la chambre à coucher : une chaise aux pieds d’or surmontés de deux têtes de chat était installée dans le fond. Les accoudoirs représentaient la déesse Isis protégeant les hommes de ses ailes bleues et sur le dossier avait été réalisée une scène montrant pharaon apportant des fleurs de lotus à la déesse Hathor sous l’oeil bienveillant du dieu soleil, Ré. À sa droite, un naos de bois recouvert d’une épaisse feuille d’or et de scènes amonistes, dissimulait une représentation de Bastet. À sa gauche, un somptueux buste de femme avec un cou de cygne habillé d’un collier de pierres précieuses, les traits fins avec des sourcils arqués, des pommettes hautes, de grands yeux et une bouche légèrement entrouverte et qui portait sur sa tête une espèce de casque d’or très léger formé par le corps et les ailes du vautour sacré. Les ailes d’or, rabattues en éventail de chaque côté de la tête, couvraient la tête et dégageaient par une échancrure les oreilles de la statue. Arnaud était fasciné par ce visage qui lui rappelait à la fois celui de Nefertiti, la femme du pharaon maudit, et celui d’Olivia ? Il fut tiré de sa rêverie par un mouvement gracieux derrière un fin voilage. La merveilleuse chatte blanche qu'ils avaient rencontrée un peu plus tôt venait de grimper sur le trône. Elle portait sur son front un superbe joyau de la couleur de ses yeux de nuit. Arnaud remarqua que ses traits étaient altérés, comme sous l’effet d’une vive contrariété. Arnaud, lui indiqua Bas qui venait d’apparaître de derrière une tenture, je te présente la maitresse des deux terres, grande épouse royale et épouse du Dieu, protégée d’Isis et d’Hathor et riche de louanges, la reine Néfertari Meryenmout. Le jeune homme crut qu’il avait mal entendu. Dans la mythologie égyptienne, la reine Néfertari était l’épouse du pharaon Ramsès II, qui vécut sous la XIXe dynastie, c’est-à-dire environ treize siècles avant notre ère. Néfertari considérait Arnaud d’un air patient. Il conviendrait de t’incliner, lui glissa le félin. Sans réfléchir, Arnaud inclina le buste en mettant sa main gauche sur son coeur. La reine prit la parole. Sois le bienvenu dans mon palais, protégé de Thot. Crois bien que je regrette de t’accueillir en de pareilles circonstances. Arnaud se sentait de plus en plus perdu. C’était la seconde fois qu’on l’appelait « protégé de Thot ». Des choses graves se passent dans notre royaume, annonça Néfertari d’une voix chargée de tempête. La colère de Ré est à l’oeuvre. On me révèle que Sekhmet est sur le sentier de la guerre et que ses lions sont avec elle. Arnaud voulut intervenir, mais la reine l’arrêta d’un geste. Interloqué, il regarda Bas prendre une petite fiole dans sa gueule et la verser dans un récipient de cuivre rempli d’eau. Une épaisse fumée se dégagea et Bas prit la parole.


A suivre...

L'île aux chats

bottom of page